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À court de qualificatifs en “able”, le roi se tourne vers l'homme de bure. Le conseiller réfléchit un long moment, son large front dégarni se plissait sous l'effort intellectuel, puis, comme le prévoyait sa feuille d'appointements, il conseilla:
— Intolérable ?
— C'est ça. Et n'ajoutez surtout pas “de lapin” ou je vous fais jeter aux oubliettes.
Le moine rengaina le calembour irrésistible dont il allait gratifier le monarque et répliqua:
— Pourquoi vous mettre dans des états pareils Sire? Chaque pays possède son Ennemi Public numéro Un.
La colère du Roi se mit à bouillir, lui faisant siffler la cocotte-minute.
— Je n'ai que faire d'un ennemi public! J'ai horreur des ennemis publics! Les ennemis publics, moi, je les fourre aux oubliettes et je les fais visiter aux touristes! Oui Monsieur! Et puis dites-moi, Glandin, vous qui vous croyez intelligent, pour quelle raison Radin des Bois ne s'attaque-t-il qu'aux plus démunis?
— Peut-être ne peuvent-ils pas s'acheter un coffre-fort?
— Ah oui? C'est intelligent! Autrefois, les gueux se laissaient dépouiller sans broncher par mes collecteurs d'impôts, tandis qu'aujourd'hui, le brigand les dévalise avant le passage des percepteurs, puis il distribue cet argent aux riches qui ont le fructueux privilège de ne pas payer de taxes. Les syndicats gueulent, ce qui fiche par terre mon programme social, et, en fin de compte, c'est moi qui me fais avoir! Croyez-moi, Glandin, gouverner ces andouilles, c'est pas du clafoutis!
— Sire, vos gens d'armes courent les bois aux quatre coins du royaume afin de mettre la main sur celui qu'on surnomme l'Anti-Zéro. Mais, jusqu'à présent, leurs recherches sont restées vaines. C'est pas de veine.
Ces paroles qui se voulaient spirituelles ne firent qu'attiser du roi l'ire.
— Vous vous croyez drôle!? Parlons-en, de ma police. Elle n'est qu'un ramassis d'incapables, plus faciles à berner qu'un troupeau d'oies! Il sont persuadés que le Radin est au Nord, et celui-ci frappe au Sud; ils s'y précipitent alors pour apprendre qu'il vole et pille tranquillement à l'Ouest. Que fait le Grand Prévôt, le sinistre Bayern de Münich?
— Votre majesté, messire le chef de la police ne ménage pas sa peine de mort pour se faire révéler la cachette du brigand; Mais les manants ont peur. Il y a peu, un fermier avait avoué spontanément sous la torture que l'Anti-Zéro lui avait dérobé une poule et six œufs pour les offrir à un riche bourgeois à l'abri du besoin. Le lendemain, le vilain fut retrouvé enduit de goudron et le corps couvert de plumes. Quelques jours plus tard, sur la place de Zigomar, à l'heure du marché, le bandit en personne subtilisa le sac à main d'une vieille dame, puis il s'empara de la sucette d'une petite fille et lança le tout à un noble qui passait en carrosse. Le Hors-l'Aloi parvint à s'enfuir avant que la patrouille intervienne.
— Il suffit! s'écria le roi; un mot de plus sur ce scélérat et j'explose! Que l'on fasse venir le Grand Prévôt, afin que j'entende ses explications!
Texte de © Edmond Transpire
À suivre en courant
Chapitre quatrième.
Rsm d l'psd prcdnt: l pqnt ttqs pr Rdn ds Bs s'n trnt bn cmpt, l'n s'nft st. Ms cmm l brrn st n b chvlr (q'l dt), l s'n tr n pssnt n grnd tnnsmm.
Au moment précis où avait lieu cette scène qui, bien que se déroulant au printemps, constituait encore un fait divers, dans le cinéma d'une petite ville d'Allemagne, le célèbre docteur Sigmund Freud assistait à la projection d'un western où l'on pouvait admirer le vilain Billy the Kid dans toute son horreur abattant froidement son père pour venger l'honneur de sa mère qui s'était enfuie avec le garçon boucher. Il n'en fallut pas plus, et pas moins non plus par la même occasion, pour que le grand psychanalyste ébauche sa fameuse théorie sur le complexe d'Œdipe.
Mais vous m'objecterez, chers lecteurs, que ceci n'a rien à voir avec l'histoire qui nous occupe (en fait, elle n'occupe pratiquement que moi) et vous auriez raison, si la mitraillette que je tiens en ce moment dans les mains ne vous donnait immédiatement tort.
Le récit du dernier exploit de Radin des Bois avait vite fait le tour du pays et venait tout juste de parvenir aux oreilles du roi.
Grandgueulard le Fauderche, fils de son père et cousin du Roi de France, avait pris le pouvoir en pleine figure et par inadvertance à la suite de la mort brutale de son prédécesseur, Troncheplate-l'Empoté, lequel s'était empalé tout à fait accidentellement sur le couteau de chasse que son rejeton chéri pointait justement dans sa direction (faut-il qu'il y ait des accidents idiots, je vous demande!). Depuis ce temps, le souverain régnait sur le tranquille Royaume de Tulauras, entouré de sages conseillers et de gardes du corps musclés.
Grandgeulard était un avorton maigrichon et cacochyme à la moustache en bataille perdue d'avance, qui avait tout à fait l'air de ce qu'il n'était pas afin de passer le plus souvent incognito. Il était en général d'une humeur de dogue (comme on dit à Venise) et ses colères étaient terribles.
Or, à la nouvelle du récent forfait de Radin, en cette toujours belle, quoique légèrement tristounette et même franchement tartignolle journée de printemps, le souverain entra dans une colère qui, de feldgrau réglementaire, tourna peu à peu au noir; c'était la goutte d'eau qui faisait déborder la vase dans laquelle le roi piétinait depuis le matin. En effet, il s'était levé du pied gauche et avait glissé sur la peau de banane qu'un plaisantin avait déposée sur la descente de lit; puis il s'était entaillé profondément le menton en se rasant avec son épée à double tranchant, avant de déchirer son haut-de-chausses en enfilant son armure. C'est pourquoi le royal grincheux arpentait en ce moment la salle du trône du château de Pasmoilsel en se cognant la tête contre les murs pour en vérifier la solidité. À ses côtés, l'un des sages conseillers, Glandin, moine ventripotent à la trogne réjouie et un tantinet égrillarde de réclame pour camenbert, essuyait bravement les plâtres qui tombaient drus en cette journée pluvieuse.
— C'est impensable! C'est inimaginable! C'est incroyable! C'est… C'est…
