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Le guetteur élégant observa longuement la bête, puis l'ironie se peignit au rouleau et sur son visage.
— Cet ongulé a un faciès antipathique.
— Qu'est-ce que tu dis!?
— Ton bourrin a une sale gueule…
Le cheval décida qu'il en avait par-dessus la crinière de se faire insulter par ses anciens congénères.
— Ongulé toi-même! Si c'est pour entendre des inepties pareilles que j'ai changé d'écurie, je préfère rentrer chez mon ancien patron!
La sentinelle exprima son étonnement en haussant un sourcil.
— On m'avait prévenu que cette forêt était enchantée, mais je pensais que l'on se gaussait de moi. Or donc, ou bien je suis fou, ou bien j'ai ouï ce solipède m'interpeller dans la langue des humains!
— Te frappe pas! C'est vrai qu'il cause, et même beaucoup trop! Un véritable perroquet! Je l'ai surnommé Beau-Parleur, allez savoir pourquoi. Il raconte qu'il est un beau chevalier auquel une méchante sorcière a jeté un mauvais sort.
— Jeté un saur!?!
— Comme je te le dis. Lui qui déteste le poisson…!
Et les deux hommes de rire à gorge déployée et à amygdales enroulées de ce trait d'esprit (il n'y a vraiment pas de quoi. Ou alors si, peut-être, en y réfléchissant…).
Après maints détours entre les taillis, le sentier débouchait dans une immense laie, entourée de marcassins. L'herbe y était rasée de près, répandant une suave senteur d'after-shave. Au centre de la clairière, des cabanes avaient été construites en cercle aux quatre coins duquel ne se trouvait rien parce qu'un cercle n'a pas de coins. Ces baraques faites de branchages et de torchis s'élevaient autour d'une petite place où un feu de bois achevait de se consumer.
Un ruisseau serpentait au milieu des chardons qui, en respectables Ecossais, étaient avares de fleurs. Sur un sifflement de Radin, quatre individus surgirent des huttes et se précipitèrent en poussant des cris d'anchois (2).
— Par les tripes de mon boucher! Nous sommes heureux de te voir! s'exclama un géant barbu et velu qui arborait plus de tatouages qu'un Peau-Rouge sur le sentier de la guerre. Dans mes bras, Radin! ajouta-t-il en gratifiant le susnommé d'une bourrade à assommer un éléphant.
Le Mastard fut remplacé dans le rôle de l'hôtesse d'accueil par un infirmier surexcité en blouse blanche qui brandissait une magnifique seringue hypodermique.
— Ce voyage t'a sûrement mis le postérieur en compote; laisse-moi te prescrire un petit calmant…
— Ne le touche pas, tu vas lui faire mal! glapit la voix suraiguë d'un blondinet platiné et travesti qui avait pour l'occasion vidé un flacon entier de Numéro 22 de chez Chamelle dont les relents auraient incommodé un putois. Le dernier à brailler, mais non le moins bruyant, était un Nippon filiforme et hilare, aux yeux en fente de tirelire et aux moustaches à la Charlie Chan.
— Moi content que des-Bois-San soit de retour. Sayonara!!
L'Anti-Zéro reçut ces marques d'amitié dignes d'un chef d'Etat en tournée provinciale avec autant de détachement que le lui permettaient ses mains endolories et sa colonne vertébrale transformée en pièces de Meccano (mine de rien, en douce, je glisse ma pub', des fois que quelqu'un… hein?.. heu… non.. rien…).
— Messieurs, dit-il après s'être désinfecté la dextre, l'heure des présentations est venue. Le fier coursier que vous voyez là s'appelle Beau-Parleur. C'est le seul cheval qui engueule son maître quand celui-ci lui file un coup d'éperon. Il vous racontera lui-même son histoire, qui n'est pas piquée des vers.
(à suivre en zigzaguant)
© Edmond Transpire
(1) l'auteur veut sans doute parler d' “herbes folles”
(2) l'auteur a voulu écrire : “. . . des cris de joie”.
Chapitre sixième.
Résumé des épisodes précédents: Compte tenu de la complexité de l'histoire et afin de préserver la bonne compréhension du récit, nous invitons le lecteur à lire les précédents épisodes et à faire lui-même sa propre synthèse.
L'homme et l'animal avaient escaladé des montagnes, traversé des vallées, franchi des rivières; ils avaient marché des jours et des jours sur des chemins caillouteux et poussiéreux. et ils étaient enfin parvenus au terme de leur voyage.
Debout au sommet d'une colline, Radin des Bois scrutait l'horizon, une main en visière au-dessus des yeux, massant de l'autre son postérieur endolori par une longue chevauchée. Près de lui, le cheval engraissait le pré consciencieusement, et des volutes nauséabonds s'élevaient de terre dans le petit matin frileux.
— Cesse de faire de la fumée, tu vas nous faire repérer! lui lança Radin, d'humeur maussade.
L'autre lui renvoya un juron à faire rougir un garde-chiourme et alla un peu plus loin se purger en paix.
Le paysage qui s'étendait au pied du monticule (et je reste poli) était d'une beauté grandiose et d'une rare majesté. Partout des arbres, des arbres à perte de vue. Une forêt immense, profonde comme un discours de militant syndical, dense comme sur le pont d'Avignon, où se côtoyaient chênes et stéréos, bouleaux et chômedus, conifères et d'autres n'y faisant rien, hêtres ou bien ne pas hêtres; luxuriante à vous donner des complexes, elle était le paradis des amoureux de la nature et des tronçonneurs en goguette.
Un sentier y menait, envahi par les ronces et les herbes échappées d'un asile (1). Au loin, on apercevait, si on avait de bons yeux, des contreforts montagneux qui se découpaient aux ciseaux dans la brume matinale. Leur sommet était perdu dans les nuages, ce qui démontre qu'il était un peu tête-en-l'air, et leur aspect noir et fantomatique était inquiétant (qu'il y aura des hommes bien sûr…).
Radin des Bois héla sa monture et lui montra les arbres.
— Voici la forêt de Brossaviande. On dit qu'elle est le repaire de sorciers et de spectres, et les gens du cru préféreraient être cuits plutôt que de s'y aventurer, de peur d'être frappés d'un quelconque maléfice. Y en a qui sont trouillards, tout de même! Bref, on ne s'y bouscule pas pour pique-niquer et c'est tant mieux, car c'est là que j'ai installé mon camp, dans une clairière, à l'orée des bois. Mes compagnons et moi sommes peinards dans ce coin: les soldats du roi ne penseront jamais à nous chercher ici.
Ayant ainsi parlé, il enfourcha l'animal et prit la direction de la mystérieuse forêt, ce qui est moins pénible que de prendre la direction de l'hôpital.
Ils cheminaient depuis près d'une heure au milieu des sous-bois, parmi le gazouillis des oiseaux et le gargouillement de l'estomac de Radin qui souffrait de digestion récalcitrante, lorsqu'une voix les fit sursauter, semblant tomber des feuillages.— Veuillez vous arrêter et décliner votre identité!!
Le cheval s'apprêtait à bondir, mais son cavalier le retint d'une main ferme.
— Holà, abruti fieffé! Busard presbyte! claironna-t-il; arrête de faire du zèle et montre-toi! Je suis Radin des Bois!
Mais la voix ne l'entendait pas de cette oreille.
— Quel est le mot de passe?
— Va te faire f…!!
— C'est bon. Je descends.
Une tête apparut entre les branches d'un chéne qui aurait pu être le trisaïeul de Line Renaud. La tête fut bientôt suivie d'un corps; le tout sauta à terre et se reçut sur deux pieds qui avaient suivi le mouvement.
— Par la trompe de chasse de mon oncle Agénor! fit le nouveau venu en époussetant ses vêtements; nous ne vous attendions pas si tôt, très cher. Les autres m'ont envoyé à l'affût mais je crains d'avoir déchiré mon pourpoint en escaladant ce cupuliféracé. Quelle est cette chose? s'écria-t-il en désignant l'animal.
— Deux jambes devant, deux jambes derrière. Un museau. Une queue. I1 a tout l'air d'un cheval. Qu'en penses-tu?
— J'abonde itou dans ce sens. Où le trouvâtes-vous?
— Il appartenait à un brave cultivateur qui a eu la bonté de me confier spontanément sa bourse. Son destrier a exprimé le désir de changé de propriétaire.
Radin des bois